Cap sur l’univers du travail 5.0

HR Today


Intro: Il y a deux ans, avec le concours de l'institut Gottlieb Duttweiler (GDI), swissstaffing a analysé l'avenir du travail. Les scénarios établis à cette occasion se montrent plus actuels que jamais. Stimulée par la crise du coronavirus, la transformation numérique a mis le turbo. Le monde du travail a connu une véritable révolution numérique et présente ainsi d'étonnantes ressemblances avec nos pronostics futuristes.

Aujourd'hui, le «personnel respirant» est un élément central de la gestion des ressources humaines À l'ère toujours plus volatile du numérique, comment mettre en place cette respiration? La planification appartient au passé. À l'époque de la production de masse, les procédures de production et de distribution pouvaient être calculées longtemps à l'avance. Pour optimiser les processus de production, on avait par exemple recours à la logistique «juste à temps», grâce à laquelle tous les produits préalables nécessaires étaient livrés précisément au moment requis. La gestion des ressources humaines relevait donc en premier lieu de la planification de personnel: combien de personnes, et avec quelle qualification, faudra-t-il pour répondre aux besoins prévus pour la prochaine période?

Au cours des dernières dizaines d'années, la mondialisation et l'individualisation ont d'ores et déjà commencé à limiter cette planification. Les chaînes logistiques se sont fragilisées, la demande est devenue plus volatile et les attentes des clients se sont de plus en plus individualisées. Cette évolution s'est entre autres traduite par un ajustement plus flexible de la main-d'œuvre: avec des «effectifs respirants» qui permettaient de réagir aux pics et aux creux de la demande. Les contrats de travail à durée limitée et les services d'intérim se sont ainsi considérablement développés.

Le passage au numérique ne fait qu'augmenter cette volatilité

On ne veut plus commander des produits et aller les récupérer plus tard, on veut pouvoir en disposer immédiatement, où qu'on se trouve. Lorsqu'une attaque cybernétique pèse sur les produits d'une entreprise, il faut donc pouvoir réagir le plus instantanément possible et lancer une communication de contre-offensive. La planification de personnel au sens traditionnel du terme ne peut guère tenir le rythme attendu: la «respiration» manque tout simplement de souffle.

La planification de personnel au sens traditionnel du terme ne peut guère tenir le rythme attendu. Mais se passage au numérique crée également des instruments qui permettent de réagir plus vite et plus précisément, bien souvent même avant la survenue de l'incident auquel il faut faire face. Le big data promet la possibilité d'évaluer les besoins futurs à l'aide de prévisions (tout du moins à court terme) avec un tel niveau de fiabilité que l'entreprise pourra respirer avant même qu'elle ait besoin d'air. Et ce afin de fonctionner précisément à pleine puissance. Or les champions mondiaux de la recherche de Google se veulent particulièrement optimistes quant aux potentiels des prévisions: les recherches effectuées par les utilisateurs sur les remèdes contre les refroidissements devraient permettre d'anticiper des épidémies de grippe, tandis que le nombre de recherches d'emploi sur Internet devrait permettre de tirer des conclusions sur l'évolution du marché du travail. Le taux de résultats n'est certes pas exceptionnel pour l'instant, mais au fur et à mesure du développement technologique, moteurs de recherche et programmeurs parviendront sans aucun doute à dompter l'avenir.

Cherchons: chasseurs de têtes robotisés et spécialistes des algorithmes

Trouver les robots ou les algorithmes les plus appropriés à une tâche spécifique ou susceptibles de s'intégrer le mieux possible dans une équipe homme-machine: cette mission est-elle du ressort du service du personnel – même s'il ne s'agit pas de ressources humaines?

Jusqu'à maintenant, la frontière était bien tracée au sein des entreprises: la mise à disposition des appareils utilisés pour remplir une fonction au sein de l'entreprise relevait de la compétence du service achats. La mise à disposition des personnels affectés à une mission, en revanche, était l'affaire du service du personnel, autrement dit des ressources humaines. Tant que nous traiterons les appareils comme des esclaves, réduits à faire ce que nous attendons d'eux, cette répartition des tâches restera pertinente. Mais cela ne sera plus le cas très longtemps.

Prenons l'exemple d'un service pour lequel on utilise déjà fréquemment des programmes intelligents: l'aide à l'analyse des images de tomodensitométrie et l'assistance au diagnostic ainsi qu'au choix de la stratégie thérapeutique. Le système d'intelligence artificielle Watson IBM est déjà utilisé par plusieurs cliniques et d'autres s'apprêtent à entrer sur ce marché. Il s'agira donc bientôt de choisir le système d'assistance le mieux adapté aux besoins – et en la matière, le critère classique du meilleur rapport qualité/prix appliqué par les acheteurs ne sera plus le seul pertinent. Quand un programme collabore avec des équipes d'étudiants en médecine ou de jeunes médecins à fort taux de rotation, l'approche retenue en matière d'interface de communication sera différente de celle choisie pour une équipe de diagnostic réunie autour du même médecin. Et si ce médecin se trouve être un affreux cynique du genre Dr House, le médecin de la série télévisée, c'est un mode de communication encore plus spécifique qu'il faudra mettre en œuvre.

Face à ces critères de sélection, le service informatique et le service achats seront vite dépassés. Plus la collaboration entre l'humain et la machine s'intensifie (et plus les tâches à traiter sont diversifiées), plus il est probable que l'on fasse appel à la compétence des ressources humaines, ne serait-ce que pour une aide à la prise de décision.

S'il n'existe pas de structure établie dans les entreprises (tel est le cas), c'est tout un marché qui s'ouvrira aux experts externes. Bienvenue aux spécialistes en recrutement de main-d'œuvre non humaine, en d'autres termes: aux chercheurs de têtes robotisés et aux spécialistes des algorithmes.

Les algorithmes, ces anges gardiens numériques

Le rôle des algorithmes importe plus que jamais dans la vie quotidienne et professionnelle: ils sont une sorte d'anges gardiens numériques qui nous guident et nous protègent afin que nous restions sur le bon chemin. Cela dit, plus les mécanismes qui nous gouvernent sont abstraits, plus la confiance – ou la méfiance – envers ces intelligences techniques supérieures devient un critère important. Car il n'est pas donné à tout le monde d'examiner le contenu d'un algorithme.

Mais avant que le management by algorithm trouve une utilisation plus large, deux critères importants pour les décisions humaines devront être réunis: la confiance et le contrôle.

Quand un problème est difficile à régler, mais important, il faut s'en remettre à des experts qui vont assurer le travail de contrôle, explique le journaliste scientifique Christoph Kucklick. Il parie sur un processus «analogue à celui qui, tout au long du XXe siècle, a conduit vers la transparence des informations financières». Ce processus a débouché sur les commissaires aux comptes tels que nous les connaissons actuellement: «des réseaux opérant à l'échelle internationale, dans un cadre réglementaire plus ou moins uniforme et appliquant à la fois les législations nationales et les obligations bilancielles internationales: voilà grosso modo ce dont nous avons besoin aujourd'hui pour les données et les algorithmes.»

Texte: Detlef Gürtler, Senior Researcher, institut Gottlieb Duttweiler (GDI)

L'avenir du travail: Avec le concours de l'institut Gottlieb Duttweiler (GDI) à Rüschlikon (ZH), swissstaffing a étudié l'avenir du travail. Lisez d'autres articles futuristes et passionnants sur: le-travail-temporaire.ch

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