Le télétravail transfrontalier et ses conséquences du point de vue des assurances sociales et du droit fiscal

HR Today

Depuis quelque temps, les nouvelles technologies de l'information et de la communication permettent plus de flexibilité dans l'organisation du travail. De fait, la situation exceptionnelle liée à la pandémie et les mesures prises par les autorités pour lutter contre la propagation du coronavirus ont favorisé un fort développement du télétravail au cours des deux dernières années.

Selon plusieurs enquêtes, le télétravail devrait rester une réalité à long terme. Cela s'explique par des raisons liées à la propagation du virus, mais aussi par des causes environnementales et sociétales. En effet, cette forme de travail flexible permet un meilleur équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle. Par ailleurs, elle apporte une solution à la saturation du trafic routier et ferroviaire aux heures de pointe.

Certes, le «home office», qu'il s'agisse de travail à domicile ou dans d'autres lieux comme les espaces de coworking, ne crée pas une nouvelle catégorie de travailleurs avec un statut juridique propre ou différent. Pourtant, il soulève un certain nombre de questions. En effet, le recours au télétravail ne concerne pas seulement les travailleurs locaux, mais aussi les frontaliers. Pour ces derniers, le recours au télétravail transfrontalier peut avoir des conséquences importantes tant pour l'employeur que pour l'employé, en particulier en matière d'assurances sociales et d'impôts.

En raison du recours massif au télétravail ordonné par les autorités lors de la pandémie, la Suisse et ses voisins européens se sont mis d'accord sur certaines règles. Dans le domaine des assurances sociales, les travailleurs restent soumis au système suisse de sécurité sociale, et ce, indépendamment de l'activité exercée dans leur pays de résidence. Sur le plan fiscal, la France et la Suisse ont convenu que le travail à domicile des frontaliers n'aurait pas d'impact sur le régime fiscal normalement applicable. Cette dérogation n'est toutefois valable que jusqu'au 30 juin 2022.

Fin de l'accord dérogatoire

À partir du 1er juillet 2022 et sauf autre accord dérogatoire, les employeurs et les employés qui ont recours au télétravail transfrontalier seront soumis au système ordinaire pour ce qui concerne les assurances sociales et les impôts. Premièrement, l'accord sur la libre circulation des personnes prévoit une coordination des législations nationales en matière d'assurances sociales. Si le travailleur frontalier exerce son activité dans plusieurs États et qu'une activité substantielle (au moins 25% de son temps de travail et/ou de sa rémunération, télétravail compris) est exercée dans son pays de résidence, le régime ordinaire d'assujettissement aux assurances prévoit que l'ensemble de l'activité professionnelle est soumis au régime de sécurité sociale du lieu de résidence. Dans ce cas, l'employeur doit entreprendre toutes les démarches nécessaires pour déclarer le salarié dans le pays de résidence et s'acquitter des cotisations de sécurité sociale selon les règles en vigueur dans cet État. Dans cette situation, le travailleur bénéficie de toutes les prestations de sécurité sociale de son pays de résidence. Un employeur suisse qui souhaiterait éviter l'assujettissement à la sécurité sociale dans le pays de résidence d'un travailleur frontalier doit s'assurer que la part de l'activité exercée dans le pays de résidence (y compris le home office) est inférieure à 25%. Par exemple, cela signifie qu'une personne travaillant à temps plein ne doit pas effectuer plus d'un jour de travail à domicile par semaine depuis son pays de résidence.

Deuxièmement, l'embauche d'un frontalier entraîne également des conséquences complexes du point de vue fiscal. Ainsi, selon les pays et les cantons, il existe des différences en ce qui concerne l'imposition du salarié et l'obligation de l'employeur de prélever l'impôt à la source. À cela s'ajoute le fait que l'embauche d'un frontalier peut aussi avoir un impact sur l'imposition de l'entreprise dans la mesure où l'administration fiscale considère le lieu où le frontalier exerce son télétravail comme un «établissement stable». Par exemple, si l'employeur d'un travailleur frontalier est établi à Genève ou dans un canton qui n'est pas partie à un accord international avec la France, il doit prélever un impôt à la source conformément à la législation cantonale applicable. Dans ce cas, l'employeur le prélève sur la totalité du salaire du frontalier. Cependant, à partir du 1er juillet 2022, si le travailleur frontalier télétravaille depuis la France, l'employeur ne devrait plus prélever d'impôt à la source suisse sur la partie du travail que son employé effectue depuis la France. Pour cette partie du revenu, le droit français imposerait à l'employeur suisse de désigner un représentant fiscal en France. Or, cela est actuellement incompatible avec le droit suisse et pénalement répréhensible. Afin d'éviter tout risque et en attendant que cette problématique soit résolue (des discussions sont en cours entre la Suisse et la France), il est recommandé de faire preuve d'une extrême prudence pour se préserver de tout souci administratif ou pénal.

Guide concernant le télétravail

Du point de vue du droit du travail, rappelons que le principe de territorialité s'applique sans exception. Dans le cas où un travailleur frontalier télétravaille depuis son lieu de résidence, les dispositions du droit du travail (droit impératif) de son pays de résidence s'appliquent intégralement si elles sont plus favorables que les règles auxquelles il est soumis en Suisse. Il peut s'agir du temps de travail, du travail de nuit, des règles en matière de santé et de sécurité au travail, etc. Le respect de ces prescriptions impératives qui seraient plus favorables dans le pays de résidence pourrait être contrôlé par les autorités compétentes.

Plusieurs organisations économiques actives en Suisse ont donc rédigé un guide consacré au télétravail transfrontalier. Il traite des problèmes spécifiques découlant de cette configuration. En bref: en attendant la conclusion d'un accord global sur le télétravail transfrontalier, couvrant aussi les aspects fiscaux et le droit du travail, il est vivement recommandé aux employeurs suisses d'être très vigilants en cas de télétravail transfrontalier à partir du 1er juillet 2022. En effet, cela pourrait avoir de fâcheuses conséquences.

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